FALIGAN, Ernest
Histoire de la Légende de Faust
Paris, Hachette, 1888, grand in-8, broché, IV, XXXII, 476 pp. Quelques rousseurs.
Dujols n° 128, déc. 1912 : « (Rare). L’œuvre d’Ernest Faligan, docteur en médecine et ès lettres, est une contribution considérable à l’histoire de la Magie aux XVe et XVIe siècles. Pour débrouiller, comme il le fait ici avec une science consommée, la fantastique légende de Faust, l’auteur remue une quantité de matériaux du plus haut intérêt, au point de vue de l’occulte. Qu’il ait péremptoirement établi l’existence réelle de Faust et identifié le satanique personnage comme un anthropométreur sagace, c’est évidemment un résultat appréciable ; mais le livre vaut encore par ses à-côtés fort suggestifs. En effet, E. Faligan ne pouvait asseoir sa magnifique thèse que sur une connaissance approfondie du mouvement mystique de la Renaissance, et c’est ici qu’apparaissent les figures les plus étranges de cette étude déjà si curieuse à tant de titres. Il est donné à un très petit nombre d’initiés de connaître les dessous mystérieux de cette époque pleine à la fois de rayons et d’ombres. Derrière cet humanisme élégant, paré d’académies artistiques, de sociétés littéraires, etc., il faut voir le revers des choses. Ceux qui sont familiarisés avec les doctrines ésotériques du Gay Savoir des anciens troubadours, des poèmes amoureux des aèdes du Moyen âge, ne seront point surpris d’y retrouver l’arcane des Mystères antiques, et jusqu’à l’organisation des affiliés en société secrète. En réalité, tous les grands génies du pinceau, du ciseau et de la plume étaient des conspirateurs hardis qui travaillaient à la ruine de l’ancien monde et à la construction de la cité nouvelle. Pomponius Lætus, qu’on a pris à tort, jusqu’ici, pour un poète inoffensif, était, en réalité, un des principaux capouliers de ce grand mouvement politique et religieux. L’illustre fondateur de L’Académie de Rome, notoirement, connue par son esprit anticlérical et ses allures maçonniques, avait établi dans les Catacombes, juste au-dessous du Vatican, une Loge consacrée au culte païen. C’était comme le symbole d’une mine dont l’explosion ferait, tôt ou tard, sauter la Papauté. Là, sous le titre pompeux de Souverain Pontife régnant, entouré de prêtres et de prêtresses dévoués aux anciens dieux, il célébrait les orgies sacrées d’après le fameux Rituel de son maître, Gémiste Pléthon. Ces divers centres intellectuels répandaient alors, dans toute l’Europe, un flot d’émissaires connus sous le nom d’étudiants ou clercs voyageurs — clerici vagantes — qui avaient des signes conventionnels usités seulement entre eux, et se prêtaient partout un mutuel appui. Leur but avoué était l’amour de la Science, des Lettres ou des Arts, mais leur mobile caché était le renversement du Catholicisme exotérique et charbonnier, peut- être même du Christianisme tout entier, et l’instauration sur ses débris d’un idéal nouveau à force d’être ancien : le retour aux Mystères d’Orphée et de Pythagore, par la diffusion des idées néo-platoniciennes. Au premier abord, lorsqu’on constate dans ce milieu d’agitation, la présence de tant de moines et de prêtres foncièrement pieux, on se demande avec stupeur comment ces ministres des autels pouvaient ainsi renier leurs croyances pour retourner, en quelque sorte, au paganisme jusqu’alors si décrié. C’est qu’ils pensaient connaître à fond l’ésotérisme chrétien dont le symbolisme, suivant eux, aboutissait intimement aux hiérurgies des Mystères antiques. Nous devons, pour l’intelligence de ce fait, rappeler que Pythagore pratiquait les rites d’Orphée, dont le culte triétérique célébrait Bacchus Rédempteur et Libérateur. Les cérémonies de la mort et de la résurrection du Dieu n’étaient-elles point les mêmes, au fond, que celles en usage dans l’Eglise pendant la Semaine Sainte, jusque y compris la cène eucharistique ? Saint Justin (Contre Tryphon) nous apprend qu’on y rompait le pain — l’hostie— c’est- à-dire le gâteau d’offrande, en même temps que circulait la coupe de vin en souvenir de l’immolation du divin fils de Jupiter. Et ne voyons-nous point, même de nos jours, l’école kabbalistique des Catholiques orthodoxes du Val d’Or se réclamer des temples de Louqsor, de Thèbes, de Denderah et de Carnac, où l’on célébrait en grande pompe le culte de l’Agneau attendu, mais immolé depuis le commencement ? Pour tous ces grands initiés, retourner au Polythéisme n’était donc point déserter le temple, mais, au contraire, remonter pour ainsi dire aux primitives et pures orgies des origines du monde. Aussi le fameux pentagramme magique du Sage de Samos était-il le signe de ralliement pour tous ces adeptes, dans leurs déplacements d’un point à un autre. Il était arboré, de loin en loin, au fronton de certaines hôtelleries mystérieuses. Il fallait être lettré — ou Initié, ce qui revenait au même à l’époque — pour avoir la clef de ce moyen de reconnaissance, avoir lu tout au moins Jamblique, ce qui n’était pas à la portée du vulgaire. » Suit une anecdote rapportant « l’origine des enseignes mystiques ornées de deux triangles entrecroisés, si usitées, aux XVe et XVIe siècles, à la façade de certaines tavernes. Tous ceux qui se rendaient au Vénusberg les connaissaient bien, car aller au Vénusberg était une expression consacrée chez les Initiés du Moyen âge, qui signifiait : suivre les écoles de Magie, très répandues, jusqu’à la fin de la Renaissance, en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne, en Pologne, etc. Cette clef ésotérique du Tanhæuser n’est qu’un de ces riches hors-d’œuvre dont s’émaille l’admirable volume d’Ernest Faligan, rempli d’une foule de choses précieuses et originales. »
Fiche technique
- Editeur
- Hachette
- Année
- 1888
- Reliure
- Livre broché
- Langue
- Français
- État
- Bon état